Faire Lieu

Faire Lieu

Faire lieu est un projet né du Laboratoire du temps qui passe et du dialogue entre quelques psychanalystes, historiens et chercheurs en sciences sociales et de leur désir de travailler ensemble à l'intersection de leurs champs.

Ce collectif réunit une vingtaine de psychanalystes, historiens, philosophes, animatrice d'atelier d'écriture, chercheuse en expression corporelle, architecte et artistes convaincus d'avoir de nouvelles formes de collaboration à inventer, dans des dispositifs collectifs qui poussent aux hybridations, à ce qui pourrait prendre forme dans les interstices de leurs écoutes et de leurs présences.

La question des dispositifs, de leur émergence, de leur construction et de leur transformation est leur point de passe pour expérimenter et penser l'articulation de l'inconscient freudien au social historique. D'où leur désir de le pratiquer ensemble.

La visée de cette recherche est de cerner, de saisir ce qui fait accueil, ses conditions, ses perspectives, en travaillant aux agencements qui naissent dans la singularité de chaque rencontre et qui permettent ainsi d'ouvrir des espaces autres, potentiels, sans a priori quant aux effets cliniques d'une telle ouverture mais avec le désir qu'elle permette de nouvelles traversées et d'autres modes d'amarrage dans la rencontre.

Ce dispositif est nomade et portatif. Il s'adresse à des établissements curieux d'une telle recherche et qui espèrent y découvrir un élargissement de leur conception de l'accueil et un point d'appui au travail des équipes. Faire lieu se propose donc de travailler à ces questions de l'accueil et de ses dispositifs potentiels dans des institutions de soin, soit auprès des personnes reçues ou bien auprès des équipes qui souhaiteraient relancer par là quelque chose de leurs pratiques et de leur vie institutionnelle.

La proposition d'intervention se déplie, dans un premier temps en quatre rencontres mensuelles ou bi-mensuelles, dont la séance inaugurale s'appuie sur l'atelier d'histoire partagée qu'ont mis au point les historiens Quentin Deluermoz et Pierre Singaravelou autour de l'histoire des possibles.

L'atelier d'histoire partagée est fondé sur des questions de type contrefactuel proposées par les équipes des institutions ou bien par les personnes accueillies et qu'elles souhaitent travailler. Ces questions sont transmises en amont au collectif Faire lieu et seront, sur le temps de l'atelier inaugural, mises en dialogue avec les participants. S'ouvre alors un espace inédit, entre ce qui a lieu ou ce qui a eu lieu et ce qui pourrait advenir ou aurait pu advenir. Tous ces éléments sont en jeu, des plus loufoques aux plus sérieux. Ni « vrai », ni « faux », il s'agit d'un espace de discussion et d'interprétation, où la parole des participants peut mieux se faire entendre.

Chacun apporte alors son savoir, son ignorance, ses impressions, son vécu, pour participer à la discussion sur l'histoire. Les frontières s'estompent et chacun peut se risquer à jouer. La démarche pousse alors à assumer une définition réflexive de l'histoire comme une œuvre ouverte que le lecteur et l'auditeur contribuent à produire. Et les participants retrouvent ainsi, en jouant sérieusement, la dimension fondamentalement expérimentale de l'histoire.

Ce dispositif peut favoriser ainsi un débat démocratique, en mettant en œuvre une discussion collective où chacun peut prendre la parole, sans que les connaissances savantes soient niées, mais sans qu'elles se trouvent pour autant placées dans une position surplombante et intimidante. Un révolutionnaire de 1789, Joseph Jacotot, a théorisé une forme de pédagogie similaire, redécouverte par Jacques Rancière dans son ouvrage Le Maître ignorant: cette pédagogie, qui postule l'égalité des intelligences, considère que l'éducation, comme la liberté, ne se donne pas, elle se conquiert. La démarche contrefactuelle induit une forme d'appropriation individuelle et collective du matériau historique et du questionnement historien.

Cette forme de débat, au moment où s'exprime à la fois une demande d'information et de clarification, une contestation d'expertises techniques hors-sols, un besoin de distinguer le vrai du faux de manière non binaire, ainsi que des modes d'échanges plus horizontaux, peut aussi être une manière de répondre aux inquiétudes contemporaines.

Les trois séances suivantes, sortes de reprises, auront pour visées de donner formes aux potentialités surgissant suite au débat, singulières à chacun et à chaque rencontre, dans ce renouvellement des représentations et des imaginaires. La configuration de ces temps collectifs ira au plus simple, à une sorte de permanence autour d'un café et de la proposition d'échanger et de continuer à ouvrir à l'invention, aux agencements que permettent le fait d'être là ensemble et de ce qui pourrait advenir, à la construction d'une situation en tant qu'elle est un « moment de la vie, concrètement et délibérément construit par l'organisation collective d'une ambiance unitaire et d'un jeu d'événements (...). La seule réussite (...) étant la réussite immédiate de son ambiance et l'augmentation constante de ses pouvoirs. »

Ces nouveaux champs d'exploration produiront de l'ailleurs, interrogeant ainsi les modalités et les moyens des praxis dans l'altérité de ces points de vue.

contact: lizabird@gmail.com